Copyfights

Copyfight, qu’est-ce que c’est ?

Lien pour en voir quelques-uns : https://vimeo.com/user188974548

Ce sont simplement des cinétracts basés sur le détournement de films – plus ou moins populaires – par les sous-titres. Les « copyfight » sont une invention de l’association Home Cinéma, et plus particulièrement de Derek Woolfenden (Président de Home Cinéma et de La Clef Survival), fondateur de l’occupation, programmateur mais aussi réalisateur de films expérimentaux pratiquant le « found footage ».

Par ces temps qui « traînent » – pandémie oblige -, c’étaient également des témoignages de notre énergie offensive en vue de préserver ce cinéma coûte que coûte. Ils étaient souvent projetés avant séance.

Si nous ne pouvions plus faire nos séances à l’intérieur du cinéma ou à l’extérieur, avec le Plein Air, nous remplacions le battement régulier de nos projecteurs par celui de nos cœurs à l’ouvrage. Si nous ne pouvions plus projeter de films, nous les fabriquions au travers de ces petits films de détournement. Les « copyfight » firent également office d’antidotes à la morosité ambiante que nous traversâmes toutes et tous, et furent à tour de rôle incisifs et critiques, élégiaques, potaches ou absurdes, voire iconoclastes !

« Vous voyez donc, mes pères, que la moquerie est quelquefois plus propre à faire revenir les hommes de leurs égarements. et qu’elle est alors une action de justice. »

Blaise Pascal, Les Provinciales, 11e lettre, 18 août 1656

Plusieurs grandes périodes phares de productivité des copyfights liés à l’occupation du cinéma La Clef : la menace du potentiel acquéreur Serge Sarve-LCJ Editions et Productions (pour en faire soi-disant un théâtre privé) sur le bâtiment (fin 2019), les bandes-annonces de nos séances Plein Air hebdomadaires (printemps 2020), la menace du Groupe SOS sur le cinéma La Clef (fin 2020), la non préemption de la Ville de Paris (début 2021) et enfin le détournement des biens communs comme d’un fonds de dotation (Cinéma Revival) pour sauver non pas un cinéma mais le reconvertir en fabrique de films par la nouvelle association usurpatrice de La Clef Revival (2022-2023).

« La découverte de la vérité est une découverte du rire »

Adolf Hoffmeister, Visages écrits et dessinés, Paris Les Editeurs français réunis, 1964

Les copyfights sont devenus avec le temps des missives informatives qui ont fustigé non sans violence les hypocrisies et les vices liés au cinéma La Clef et à son occupation. L’évolution des copyfight est définitivement marquée du sceau de notre indignation et de notre agressivité contre ce qui est honni et redouté, à savoir tout ce qui empêcherait le cinéma La Clef de rester un cinéma de quartier qui plus est associatif : la spéculation immobilière de son propriétaire sur la parcelle (CSECEIDF) et d’un potentiel acquéreur (le Groupe SOS), la politique de gentrification de la Ville de Paris, les conflits d’intérêts (Reflet Médicis, le Nova), le détournement des biens communs (La Clef Revival) et d’une cagnotte en ligne (Cinéma Revival), et enfin les méthodologies scandaleuses instrumentalisant le milieu culturel et le secteur associatif parisien (La Clef Revival et Cinéma Revival).

Avec leur régularité quasi-métronomique, nos copyfights permettent aussi d’appréhender notre cinéphilie comme une terre salutaire, bénéfique où les films deviendraient tels des spectres, des fantômes qui refont surface pour demander réparation, et nous venger au travers de ce qui constituerait de plus en plus une cinémathèque subversive. De l’adaptation classique des récits sollicités (Fog et Poltergeist) au détournement des situations dénoncées, mais enfin à notre avantage!

Pour paraphraser Stendhal, au travers de nos copyfights, le comique, le rire, est le dernier pouvoir qui reste à un homme sur son ennemi.

« Le rire rétablit un état de non-agression mais le plaisir consiste à aller au plus près de l’agression, et de l’agression la plus forte possible, pour échapper à l’affrontement [perdu d’avance contre les forces souvent conviées] grâce à l’éclat de rire. Il s’ensuit que le rire est toujours transgressif, joue avec l’interdit, va toujours trop loin: sinon il ne serait pas drôle. (…). Il n’y a pas lieu de s’étonner si la contestation contre les sociétés autoritaires prend toujours la forme de blagues sales et obscènes : on conteste avec les moyens dont on dispose – et qui relèvent forcément de la sphère privée, puisque le domaine public est sous le contrôle du pouvoir. »

Alain Vaillant, La civilisation du rire, 2016